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Title
L'an 1757, le jeudi 4 août
Source
Archives des Comm., nº2668.
Date
04/08/1757
Identifier
Campardon, p. 21
Text Item Type Metadata
Text
L'an 1757, le jeudi 4 août sur les six heures du soir, nous Michel-Martin Grimperel, etc., chargé de la police de la foire Saint-Laurent, étant en ladite foire, le sieur Martin Farci de Saint-Marc, lieutenant du guet, nous a dit que cejourd'hui dans l'après-midi, sur les trois heures, s'est élevée une querelle entre un particulier ci-présent blessé d'un coup de lame à la tête et un autre particulier que l'on a dit se nommer Brisemontier, acteur du jeu de l'Artificier Hollandois, en sortant du cabaret de la veuve Buffaut, buvetière de la foire ; que le particulier ci-présent a été arrêté par Jean-Louis Durier, sergent-major du guet, qui venoit d'arriver à la foire, sans avoir pu découvrir au vrai le sujet de la querelle. Procédant à quoi est survenu Jean Estève, chirurgien privilégié, demeurant grande rue du faubourg Saint-Lazare, paroisse Saint-Laurent : lequel nous a dit et déclare que cejourd'hui dans l'après-midi un particulier dont il ne sait le nom, portant un habit de camelot gris blanc, une veste verte avec des boutonnières d'argent, lequel étoit accompagné d'un autre particulier dont le comparant ignore le nom, mais qu'il a vu danser l'année dernière chez Nicolet, joueur de marionnettes, est venu chez lui Estève ; que le premier des deux particuliers, qui avoit un peu bu, étoit blessé d'un coup d'épée à carrelet entre la première et la seconde des fausses côtes, pénétrant dans la capacité et qui peut être dangereux, et d'un autre coup à la main gauche ; après l'avoir pansé et soigné il est venu nous faire la présente déclaration et vient d'apprendre que ledit particulier venoit d'être enlevé de chez lui par des camarades.
Et ayant à l'instant interpellé ledit particulier arrêté de nous dire ses nom, surnom, âge, qualité et demeure, après serment par lui fait de dire vérité, il nous a dit se nommer Gabriel-François Dusaussoi, dit Aubert, âgé de 22 ans, natif de Paris, qui nous a dit d'abord être tailleur et ensuite commis des fermes aux petites gabelles, demeurant rue Montorgueil chez la nommée Berthe, marchande de vins. Enquis s'il n'a pas eu querelle cejourd'hui avec le nommé Brisemontier à la buvette de la foire et de quel sujet ? il nous a fait réponse qu'il n'avoit pas eu de querelle chez la buvetière, mais qu'en sortant de chez elle, ledit particulier l'a conduit dans la ruelle de Paradis, près Saint-Lazare, et là ce particulier a mis l'épée à la main et lui a porté deux coups dont un de la pointe l'a blessé à la main et l'autre un coup d'espadon sur la tète dont il est blessé ; qu'au surplus lui répondant a mis l'épée à la main pour se défendre. Ne sait si il a blessé l'autre.
L'épée dudit Aubert nous ayant été remontrée par ledit Saint-Marc, avons remarqué qu'il y a du sang au bout de la lame. Pourquoi et attendu ce que dessus ledit Dusaussoi dit Aubert est demeuré en la possession dudit sieur de Saint-Marc qui s'en est chargé pour le conduire ès prisons du For-l'Évêque pour y être écroué de l'ordonnance du roi concernant la police de la foire, et s'est aussi chargé de son épée à garde et poignet de cuivre à lame fort longue, évidée, pour la déposer au greffe criminel du Châtelet pour servir ce que de raison.
Signé : DUSAUSSOI ; ESTÈVE ; DE SAINT-MARC ; GRIMPEREL.
Information faite par-devant le commissaire Grimperel.
Du lundi 8 août 1757.
Jean-Louis Durier, âgé de 46 ans, sergent-major du guet, demeurant rue Saint-Honoré, paroisse Saint-Germain-l'Auxerrois, vis-à-vis la rue Croix-des-Petits-Champs, etc. Dépose que le jeudi, quatre du présent mois, dans l'après-midi, étant à la foire Saint-Laurent, il vit beaucoup de monde amassé dans le passage qui conduit à l'Opéra-Comique ; que lui déposant s'étant approché aperçut un particulier vêtu de rouge qui dit d'abord être officier, lequel avoit le visage en sang et paroissoit avoir bu ; que s'étant informé de ce que c'étoit, quelqu'un, qu'il n'a pu remarquer attendu la grande quantité de monde, dit : « Il n'étoit pas difficile de l'accommoder comme cela, ils étoient trois contre un ! » Qu'il fit conduire ledit particulier, qu'il a depuis appris se nommer Dusaussoi, au corps de garde de l'Opéra-Comique, et a ouï dire audit particulier qu'il s'étoit battu avec un nommé Brisemontier, acteur de l'Artificier Hollandois ; mais n'a pu apprendre depuis comment ni à quelle occasion il y avoit eu dispute entre ledit Dusaussoi et ledit Brisemontier ; qu'il a ouï dire qu'ils avoient dîné ensemble avec des filles chez la nommée Buffaut, buvetière à la foire.
Denis Martin, âgé de 44 ans, compagnon imprimeur, acteur du jeu de l'Artificier Hollandois à la foire Saint-Laurent, demeurant a Paris, rue du Gindre, paroisse Saint-Sulpice, chez la veuve Michel, tailleur, derrière le noviciat des jésuites, etc. Dépose que jeudi dans la matinée il vit chez la nommée Saint-Omer, vendeuse de bière à ladite foire, un particulier habillé de rouge qui buvoit avec le nommé Aubert, maître de danse, et qui chantoit ; que dans l'après-midi il aperçut dans la même foire le même particulier habillé de rouge qui avoit une entaille à la tête d'où il sortoit beaucoup de sang et avoit une autre blessure légère à la main ; que le particulier paroissoit avoir bu ; qu'il lui fut dit par un danseur du jeu du Hollandois, nommé Desjardins, que ledit habillé de rouge avoit été dîner à la buvette avec le nommé Brisemontier et que là ayant pris dispute ensemble au sujet d'une fille que ledit Brisemontier traitoit de g.... dont ledit Dusaussoi prenoit la défense, ils sortirent sur-le-champ et se battirent près Saint-Lazare .
Marguerite Blandin dite Rosalie, âgée de 25 ans, fille, maîtresse couturière et actrice du jeu du Hollandois à la foire Saint-Laurent, demeurante grande rue du faubourg Saint-Lazare chez la nommée Dufoy, logeuse, au-dessus du corps de garde, etc. Dépose que jeudi dernier dans la matinée étant entrée chez la nommée Saint-Omer, vendeuse de bière à la foire, elle y trouva le sieur Aubert, maître des ballets du jeu Hollandois, avec un particulier habillé de rouge, nommé Dusaussoi, qu'elle avoit vu plusieurs fois avec ledit Aubert ; qu'environ une heure après ledit Aubert dit à elle déposante : « Nous allons dîner à la buvette, Rosalie, venez avec nous. » Qu'elle fut à la buvette avec ledit Aubert et ledit Dusaussoi ; étant entrés dans un petit cabinet, elle vit qu'il y avoit quatre couverts ; qu'elle dit : « Nous ne sommes que trois et voilà quatre couverts » ; que ledit Aubert et ledit Dusaussoi dirent : « Mademoiselle Morange va venir. » Qu'effectivement elle vit arriver ladite Morange, qui est aussi actrice du jeu du Hollandois ; qu'ils dînèrent ; qu'à la fin du repas ladite Morange badina beaucoup avec le couteau dudit Dusaussoi et une gaine qui étoit sur la table ; qu'elle déposante, voyant que ladite Morange vouloit mettre le couteau dans sa poche, dit à ladite Morange : « Mademoiselle, n'en faites rien ; je ne veux pas qu'il soit dit qu'on prenne rien à une table où je suis. » Ce qui éleva de la dispute entre elles ; que le sieur Aubert dit à ladite Morange de s'en aller ; ce qu'elle a fait et s'en alla, à ce qui a été depuis rapporté à elle déposante par le nommé Neufmaison, danseur du jeu Hollandois, dans le préau des danseurs de corde où elle trouva le nommé Brisemontier à qui, en pleurant, elle avoit raconté ce qui venoit de lui arriver à la buvette ; qu'il lui a aussi été dit par ledit Neufmaison que ledit Brisemontier, qui n'avoit pas d'épée, avoit demandé l'épée audit Neufmaison qui la lui auroit prêtée ; que ledit Dusaussoi étoit sorti de la buvette en même tems que ladite Morange et elle déposante est restée avec ledit Aubert à la buvette. A appris ce que dessus par ledit Neufmaison qui lui a dit aussi que ledit Brisemontier ayant rencontré ledit Dusaussoi dans la foire, ils s'étoient pris de querelle et avoient été sur-le-champ se battre. Et lui ajouta ledit Neufmaison que si ledit Brisemontier ne s'étoit point battu avec ledit Dusaussoi, lui Neufmaison auroit été se battre avec ledit Dusaussoi. Qu'elle déposante, dans l'après-midi, étant chez ladite Saint-Omer, vit passer ledit Dusaussoi ayant une blessure à la tête et une à la main ; que ledit Dusaussoi dit à la déposante que ledit Brisemontier l'avoit rencontré dans la foire, lui avoit donné deux soufflets et l'avoit forcé d'aller se battre, ce qu'il ne vouloit pas faire parce qu'il sentoit bien qu'il étoit gris. A ouï dire néanmoins que Brisemontier avoit reçu un coup d'épée et avoit été porté chez le nommé Estève, chirurgien, et de la chez son frère, compagnon horloger, demeurant au coin du Marché-Neuf et du pont Saint-Michel, au cinquième étage de la maison de l'épicier.
Anne-Françoise de Vilette dite Morange, âgée de 20 ans, danseuse du jeu du Hollandois à la foire Saint-Laurent, demeurant chez la nommée Silvestre, aussi danseuse, dans le faubourg Saint-Martin, dans la maison d'un loueur de carrosses, près la foire, qu'elle n'a pu autrement désigner, etc. Dépose que le jeudi 4 du présent mois, vers une heure de l'après-midi, le nommé Aubert, maître des ballets du jeu du Hollandois, et un habillé de rouge, ami dudit Aubert, prièrent elle déposante d'aller dîner avec eux à la buvette de la foire ; qu'elle y fut effectivement et dîna avec ledit Aubert, l'habillé de rouge et la nommée Rosalie, actrice du jeu du Hollandois ; qu'à la fin du dîner, elle déposante badina avec un couteau appartenant à l'habillé de rouge et qui étoit sur la table ; que ladite Rosalie dit à elle déposante « Mademoiselle, ne faites pas de trait de p.... , n'empochez pas ce couteau ! » Que là-dessus elle déposante dit à la Rosalie « Vous êtes une insolente de parler dans ce goût-là ! » Que là-dessus ledit Aubert dit à la déposante « Ou taisez-vous, ou fichez le camp. » Que là-dessus elle déposante s'en alla ; qu'étant dans le jeu du Hollandois, elle déposante dit à tout le monde « Mais voyez que mademoiselle Rosalie est méchante, elle vient de me dire à la buvette que je veux empocher un couteau parce que je badine avec ! » Que sur le soir elle déposante entendit dire que le nommé Brisemontier, danseur du jeu du Hollandois, avoit été blessé d'un coup d'épée. A appris depuis que c'étoit par l'habillé de rouge avec qui elle avoit dîné à la buvette. Au surplus, elle ne connoît particulièrement ni Brisemontier, ni l'habillé de rouge, n'étant entrée au jeu du Hollandois que le 2 du présent mois d'août.
Jean Estève, âgé de 40 ans, chirurgien privilégié, demeurant à Paris, grande rue du faubourg Saint-Lazare, paroisse Saint-Laurent, etc. Dépose que jeudi dernier, 4 du présent mois, entre quatre et cinq heures de l'après-midi, arriva chez lui déposant un particulier qu'il a depuis appris se nommer Brisemontier, danseur du jeu du Hollandois, lequel étoit accompagné et soutenu sous les bras par un particulier qu'il a aussi appris depuis se nommer Neufmaison, danseur du même théâtre, et par une femme à lui inconnue ; que ledit Brisemontier se trouva mal en arrivant et étoit rempli de sang ; qu'il le pansa d'une blessure au côté entre la première et la seconde des fausses côtes qui lui parut provenir d'un coup d'épée à trois quarts et assez dangereuse et d'une autre blessure à la main gauche fort légère ; qu'il ne put apprendre comment cet homme avoit été blessé sinon qu'il venoit de se battre ; qu'après avoir pansé et soigné ledit Brisemontier, il sortit de chez lui pour venir en faire sa déclaration à nous commissaire ; qu'à peine fut-il arrivé à la foire Saint-Laurent où nous étions, on vint lui dire qu'on venoit d'enlever ledit Brisemontier. A appris depuis que ledit Brisemontier avoit été conduit chez son beau-frère, horloger, demeurant au quatrième étage dans une maison occupée par le bas par un épicier et faisant le coin du pont Saint-Michel et du Marché-Neuf, et que ledit Brisemontier étoit couché au cinquième étage de la même maison dans une espèce de grenier lambrissé ; que lui déposant l'a été voir et depuis ledit Brisemontier lui a dit qu'il avoit été pansé par un autre chirurgien, de sorte que lui déposant ne l'a pansé que la première fois. A ouï dire aussi dans la foire depuis cela, croît que c'est par le nommé Neufmaison, que la querelle qui avoit occasionné le combat, étoit venue par rapport à deux filles du même théâtre qui avoient dîné à la buvette avec le nommé Aubert, maître des ballets, et le nommé Dusaussoi qu'il vit dans le corps de garde ledit jour quatre août de relevée, et que ledit Brisemontier avoit emprunté l'épée, ne sait à qui, dont il s'étoit servi pour se battre à l'occasion de la querelle de ces deux filles.
Marie Pagne, âgée de 52 ans, veuve de Charles-Henri Buffaut, marchande de vin à Paris et buvetière de la foire Saint-Laurent, demeurante rue Saint-Laurent, etc. Dépose que jeudi dernier le nommé Aubert, maître de danse, un habillé de rouge à elle inconnu et deux actrices de la foire dont elle en a entendu nommer une Rosalie, vinrent lui demander à dîner ; qu'elle les mit dans un cabinet par bas ayant une croisée sur la foire ; qu'ils s'en allèrent les uns après les autres, mais presque en même tems. Ne s'est pas aperçue qu'ils aient eu aucune dispute. A ouï dire depuis que l'habillé de rouge et un autre particulier s'étoient battus, mais ne sait à quelle occasion.
Du mardi 9 août.
Marie-Anne Roger, âgée de 25 ans, blanchisseuse et actrice du jeu Hollandois à la foire Saint-Laurent, demeurante rue Beauregard, paroisse Notre-Dame de Bonne-Nouvelle, dans la maison de la nommée Caron, aubergiste, vis-à-vis la rue Sainte-Barbe, etc. Dépose de faits déjà connus.
Du mercredi 10 août.
Jean-Jacques de Neuvemaison, âgé de 23 ans, maître de danse, demeurant à Paris au Marché-Neuf, paroisse Saint-Barthelemi, dans la maison du potier d'étain près le pont Saint-Michel, etc. Dépose que jeudi dernier sur les quatre heures et demie ou cinq heures de relevée, étant à la foire au théâtre de l'Artificier Hollandois où il danse, et étant même en partie habillé, une femme du jeu, nommée Lebel, vint dire à lui déposant « Monsieur Neufmaison, voilà Brisemontier qui vient de prendre une épée pour s'aller battre » Que lui déposant, qui avoit mis son épée sur une planche, ne l'ayant pas trouvée et se doutant que c'étoit la sienne que ledit Brisemontier avoit prise, courut avec le nommé Desjardins du côté des Récollets, dans une ruelle près lesdits Récollets, et lorsqu'ils arrivèrent ils virent ledit Brisemontier qui avoit encore l'épée à la main et un autre particulier habillé de rouge que lui déposant ne connoît que de vue, lequel, autant qu'il le croît, avoit son épée dans le fourreau ; qu'il vit chanceler ledit Brisemontier qui tomba dans les bras de Desjardins et de lui déposant et dit, en s'adressant à l'habillé de rouge : « Tu es blessé et moi aussi ! » S'aperçut lui déposant que ledit Brisemontier perdoit beaucoup de sang et que l'habillé de rouge étoit aussi blessé à la tète ; que lui déposant et ledit Desjardins, après avoir mis un mouchoir sur la blessure dudit Brisemontier, conduisirent ledit Brisemontier chez le sieur Estève, chirurgien, faubourg Saint-Lazare. N'a pu au surplus savoir le sujet de la querelle ; que lui déposant, après avoir mis ledit Brisemontier chez le chirurgien, s'en retourna à son devoir chez l'Artificier Hollandois.
Du jeudi 11 août.
Jeanne-Catherine Barbier, âgée de 38 ans, femme de François-Philippe Ledaim, maître sculpteur, elle gagiste du jeu du Hollandois à la foire Saint-Laurent, demeurante rue de Beaujolois, paroisse Saint-Nicolas-des-Champs, dans la maison en face de la rue de Forez, chez un faiseur de bas, etc. Dépose que le jeudi 4 du présent mois dans l'après-midi, sur les quatre à cinq heures, elle déposante étant dans le jeu du Hollandois à la porte du théâtre, elle vit le nommé Brisemontier, danseur, lequel entra sur le théâtre en courant et alla prendre dans un coin sur une table l'épée du nommé Neufmaison, qui étoit dans la foire chaussé et tout prêt à jouer ; qu'elle déposante qui avoit entendu dire qu'il y avoit eu du bruit à la buvette au sujet de filles s'imaginant que ledit Brisemontier, qui ne porte jamais l'épée, étoit venu prendre l'épée dudit de Neufmaison pour aller se battre, voulut l'empêcher de sortir, ce qu'elle ne put faire, attendu qu'elle étoit seule ; que ledit de Neufmaison étant rentré dans le jeu un petit moment après, elle lui dit : « Courez donc vite, Brisemontier vient de prendre votre épée pour s'aller battre. » Que ledit de Neufmaison courut vite après et étant revenu une demi-heure après ou environ, il dit à elle déposante que ledit Brisemontier avoit été effectivement se battre et avoit reçu un coup d'épée.
Jacques-Alexis Desjardins, âgé de 24 ans, danseur du jeu du Hollandois à la foire Saint-Laurent et compagnon horloger, demeurant rue des Deux-Ponts, paroisse Saint-Louis, dans la maison du sieur Lagroue, épicier, etc. Dépose de faits déjà connus.
Et ayant à l'instant interpellé ledit particulier arrêté de nous dire ses nom, surnom, âge, qualité et demeure, après serment par lui fait de dire vérité, il nous a dit se nommer Gabriel-François Dusaussoi, dit Aubert, âgé de 22 ans, natif de Paris, qui nous a dit d'abord être tailleur et ensuite commis des fermes aux petites gabelles, demeurant rue Montorgueil chez la nommée Berthe, marchande de vins. Enquis s'il n'a pas eu querelle cejourd'hui avec le nommé Brisemontier à la buvette de la foire et de quel sujet ? il nous a fait réponse qu'il n'avoit pas eu de querelle chez la buvetière, mais qu'en sortant de chez elle, ledit particulier l'a conduit dans la ruelle de Paradis, près Saint-Lazare, et là ce particulier a mis l'épée à la main et lui a porté deux coups dont un de la pointe l'a blessé à la main et l'autre un coup d'espadon sur la tète dont il est blessé ; qu'au surplus lui répondant a mis l'épée à la main pour se défendre. Ne sait si il a blessé l'autre.
L'épée dudit Aubert nous ayant été remontrée par ledit Saint-Marc, avons remarqué qu'il y a du sang au bout de la lame. Pourquoi et attendu ce que dessus ledit Dusaussoi dit Aubert est demeuré en la possession dudit sieur de Saint-Marc qui s'en est chargé pour le conduire ès prisons du For-l'Évêque pour y être écroué de l'ordonnance du roi concernant la police de la foire, et s'est aussi chargé de son épée à garde et poignet de cuivre à lame fort longue, évidée, pour la déposer au greffe criminel du Châtelet pour servir ce que de raison.
Signé : DUSAUSSOI ; ESTÈVE ; DE SAINT-MARC ; GRIMPEREL.
Information faite par-devant le commissaire Grimperel.
Du lundi 8 août 1757.
Jean-Louis Durier, âgé de 46 ans, sergent-major du guet, demeurant rue Saint-Honoré, paroisse Saint-Germain-l'Auxerrois, vis-à-vis la rue Croix-des-Petits-Champs, etc. Dépose que le jeudi, quatre du présent mois, dans l'après-midi, étant à la foire Saint-Laurent, il vit beaucoup de monde amassé dans le passage qui conduit à l'Opéra-Comique ; que lui déposant s'étant approché aperçut un particulier vêtu de rouge qui dit d'abord être officier, lequel avoit le visage en sang et paroissoit avoir bu ; que s'étant informé de ce que c'étoit, quelqu'un, qu'il n'a pu remarquer attendu la grande quantité de monde, dit : « Il n'étoit pas difficile de l'accommoder comme cela, ils étoient trois contre un ! » Qu'il fit conduire ledit particulier, qu'il a depuis appris se nommer Dusaussoi, au corps de garde de l'Opéra-Comique, et a ouï dire audit particulier qu'il s'étoit battu avec un nommé Brisemontier, acteur de l'Artificier Hollandois ; mais n'a pu apprendre depuis comment ni à quelle occasion il y avoit eu dispute entre ledit Dusaussoi et ledit Brisemontier ; qu'il a ouï dire qu'ils avoient dîné ensemble avec des filles chez la nommée Buffaut, buvetière à la foire.
Denis Martin, âgé de 44 ans, compagnon imprimeur, acteur du jeu de l'Artificier Hollandois à la foire Saint-Laurent, demeurant a Paris, rue du Gindre, paroisse Saint-Sulpice, chez la veuve Michel, tailleur, derrière le noviciat des jésuites, etc. Dépose que jeudi dans la matinée il vit chez la nommée Saint-Omer, vendeuse de bière à ladite foire, un particulier habillé de rouge qui buvoit avec le nommé Aubert, maître de danse, et qui chantoit ; que dans l'après-midi il aperçut dans la même foire le même particulier habillé de rouge qui avoit une entaille à la tête d'où il sortoit beaucoup de sang et avoit une autre blessure légère à la main ; que le particulier paroissoit avoir bu ; qu'il lui fut dit par un danseur du jeu du Hollandois, nommé Desjardins, que ledit habillé de rouge avoit été dîner à la buvette avec le nommé Brisemontier et que là ayant pris dispute ensemble au sujet d'une fille que ledit Brisemontier traitoit de g.... dont ledit Dusaussoi prenoit la défense, ils sortirent sur-le-champ et se battirent près Saint-Lazare .
Marguerite Blandin dite Rosalie, âgée de 25 ans, fille, maîtresse couturière et actrice du jeu du Hollandois à la foire Saint-Laurent, demeurante grande rue du faubourg Saint-Lazare chez la nommée Dufoy, logeuse, au-dessus du corps de garde, etc. Dépose que jeudi dernier dans la matinée étant entrée chez la nommée Saint-Omer, vendeuse de bière à la foire, elle y trouva le sieur Aubert, maître des ballets du jeu Hollandois, avec un particulier habillé de rouge, nommé Dusaussoi, qu'elle avoit vu plusieurs fois avec ledit Aubert ; qu'environ une heure après ledit Aubert dit à elle déposante : « Nous allons dîner à la buvette, Rosalie, venez avec nous. » Qu'elle fut à la buvette avec ledit Aubert et ledit Dusaussoi ; étant entrés dans un petit cabinet, elle vit qu'il y avoit quatre couverts ; qu'elle dit : « Nous ne sommes que trois et voilà quatre couverts » ; que ledit Aubert et ledit Dusaussoi dirent : « Mademoiselle Morange va venir. » Qu'effectivement elle vit arriver ladite Morange, qui est aussi actrice du jeu du Hollandois ; qu'ils dînèrent ; qu'à la fin du repas ladite Morange badina beaucoup avec le couteau dudit Dusaussoi et une gaine qui étoit sur la table ; qu'elle déposante, voyant que ladite Morange vouloit mettre le couteau dans sa poche, dit à ladite Morange : « Mademoiselle, n'en faites rien ; je ne veux pas qu'il soit dit qu'on prenne rien à une table où je suis. » Ce qui éleva de la dispute entre elles ; que le sieur Aubert dit à ladite Morange de s'en aller ; ce qu'elle a fait et s'en alla, à ce qui a été depuis rapporté à elle déposante par le nommé Neufmaison, danseur du jeu Hollandois, dans le préau des danseurs de corde où elle trouva le nommé Brisemontier à qui, en pleurant, elle avoit raconté ce qui venoit de lui arriver à la buvette ; qu'il lui a aussi été dit par ledit Neufmaison que ledit Brisemontier, qui n'avoit pas d'épée, avoit demandé l'épée audit Neufmaison qui la lui auroit prêtée ; que ledit Dusaussoi étoit sorti de la buvette en même tems que ladite Morange et elle déposante est restée avec ledit Aubert à la buvette. A appris ce que dessus par ledit Neufmaison qui lui a dit aussi que ledit Brisemontier ayant rencontré ledit Dusaussoi dans la foire, ils s'étoient pris de querelle et avoient été sur-le-champ se battre. Et lui ajouta ledit Neufmaison que si ledit Brisemontier ne s'étoit point battu avec ledit Dusaussoi, lui Neufmaison auroit été se battre avec ledit Dusaussoi. Qu'elle déposante, dans l'après-midi, étant chez ladite Saint-Omer, vit passer ledit Dusaussoi ayant une blessure à la tête et une à la main ; que ledit Dusaussoi dit à la déposante que ledit Brisemontier l'avoit rencontré dans la foire, lui avoit donné deux soufflets et l'avoit forcé d'aller se battre, ce qu'il ne vouloit pas faire parce qu'il sentoit bien qu'il étoit gris. A ouï dire néanmoins que Brisemontier avoit reçu un coup d'épée et avoit été porté chez le nommé Estève, chirurgien, et de la chez son frère, compagnon horloger, demeurant au coin du Marché-Neuf et du pont Saint-Michel, au cinquième étage de la maison de l'épicier.
Anne-Françoise de Vilette dite Morange, âgée de 20 ans, danseuse du jeu du Hollandois à la foire Saint-Laurent, demeurant chez la nommée Silvestre, aussi danseuse, dans le faubourg Saint-Martin, dans la maison d'un loueur de carrosses, près la foire, qu'elle n'a pu autrement désigner, etc. Dépose que le jeudi 4 du présent mois, vers une heure de l'après-midi, le nommé Aubert, maître des ballets du jeu du Hollandois, et un habillé de rouge, ami dudit Aubert, prièrent elle déposante d'aller dîner avec eux à la buvette de la foire ; qu'elle y fut effectivement et dîna avec ledit Aubert, l'habillé de rouge et la nommée Rosalie, actrice du jeu du Hollandois ; qu'à la fin du dîner, elle déposante badina avec un couteau appartenant à l'habillé de rouge et qui étoit sur la table ; que ladite Rosalie dit à elle déposante « Mademoiselle, ne faites pas de trait de p.... , n'empochez pas ce couteau ! » Que là-dessus elle déposante dit à la Rosalie « Vous êtes une insolente de parler dans ce goût-là ! » Que là-dessus ledit Aubert dit à la déposante « Ou taisez-vous, ou fichez le camp. » Que là-dessus elle déposante s'en alla ; qu'étant dans le jeu du Hollandois, elle déposante dit à tout le monde « Mais voyez que mademoiselle Rosalie est méchante, elle vient de me dire à la buvette que je veux empocher un couteau parce que je badine avec ! » Que sur le soir elle déposante entendit dire que le nommé Brisemontier, danseur du jeu du Hollandois, avoit été blessé d'un coup d'épée. A appris depuis que c'étoit par l'habillé de rouge avec qui elle avoit dîné à la buvette. Au surplus, elle ne connoît particulièrement ni Brisemontier, ni l'habillé de rouge, n'étant entrée au jeu du Hollandois que le 2 du présent mois d'août.
Jean Estève, âgé de 40 ans, chirurgien privilégié, demeurant à Paris, grande rue du faubourg Saint-Lazare, paroisse Saint-Laurent, etc. Dépose que jeudi dernier, 4 du présent mois, entre quatre et cinq heures de l'après-midi, arriva chez lui déposant un particulier qu'il a depuis appris se nommer Brisemontier, danseur du jeu du Hollandois, lequel étoit accompagné et soutenu sous les bras par un particulier qu'il a aussi appris depuis se nommer Neufmaison, danseur du même théâtre, et par une femme à lui inconnue ; que ledit Brisemontier se trouva mal en arrivant et étoit rempli de sang ; qu'il le pansa d'une blessure au côté entre la première et la seconde des fausses côtes qui lui parut provenir d'un coup d'épée à trois quarts et assez dangereuse et d'une autre blessure à la main gauche fort légère ; qu'il ne put apprendre comment cet homme avoit été blessé sinon qu'il venoit de se battre ; qu'après avoir pansé et soigné ledit Brisemontier, il sortit de chez lui pour venir en faire sa déclaration à nous commissaire ; qu'à peine fut-il arrivé à la foire Saint-Laurent où nous étions, on vint lui dire qu'on venoit d'enlever ledit Brisemontier. A appris depuis que ledit Brisemontier avoit été conduit chez son beau-frère, horloger, demeurant au quatrième étage dans une maison occupée par le bas par un épicier et faisant le coin du pont Saint-Michel et du Marché-Neuf, et que ledit Brisemontier étoit couché au cinquième étage de la même maison dans une espèce de grenier lambrissé ; que lui déposant l'a été voir et depuis ledit Brisemontier lui a dit qu'il avoit été pansé par un autre chirurgien, de sorte que lui déposant ne l'a pansé que la première fois. A ouï dire aussi dans la foire depuis cela, croît que c'est par le nommé Neufmaison, que la querelle qui avoit occasionné le combat, étoit venue par rapport à deux filles du même théâtre qui avoient dîné à la buvette avec le nommé Aubert, maître des ballets, et le nommé Dusaussoi qu'il vit dans le corps de garde ledit jour quatre août de relevée, et que ledit Brisemontier avoit emprunté l'épée, ne sait à qui, dont il s'étoit servi pour se battre à l'occasion de la querelle de ces deux filles.
Marie Pagne, âgée de 52 ans, veuve de Charles-Henri Buffaut, marchande de vin à Paris et buvetière de la foire Saint-Laurent, demeurante rue Saint-Laurent, etc. Dépose que jeudi dernier le nommé Aubert, maître de danse, un habillé de rouge à elle inconnu et deux actrices de la foire dont elle en a entendu nommer une Rosalie, vinrent lui demander à dîner ; qu'elle les mit dans un cabinet par bas ayant une croisée sur la foire ; qu'ils s'en allèrent les uns après les autres, mais presque en même tems. Ne s'est pas aperçue qu'ils aient eu aucune dispute. A ouï dire depuis que l'habillé de rouge et un autre particulier s'étoient battus, mais ne sait à quelle occasion.
Du mardi 9 août.
Marie-Anne Roger, âgée de 25 ans, blanchisseuse et actrice du jeu Hollandois à la foire Saint-Laurent, demeurante rue Beauregard, paroisse Notre-Dame de Bonne-Nouvelle, dans la maison de la nommée Caron, aubergiste, vis-à-vis la rue Sainte-Barbe, etc. Dépose de faits déjà connus.
Du mercredi 10 août.
Jean-Jacques de Neuvemaison, âgé de 23 ans, maître de danse, demeurant à Paris au Marché-Neuf, paroisse Saint-Barthelemi, dans la maison du potier d'étain près le pont Saint-Michel, etc. Dépose que jeudi dernier sur les quatre heures et demie ou cinq heures de relevée, étant à la foire au théâtre de l'Artificier Hollandois où il danse, et étant même en partie habillé, une femme du jeu, nommée Lebel, vint dire à lui déposant « Monsieur Neufmaison, voilà Brisemontier qui vient de prendre une épée pour s'aller battre » Que lui déposant, qui avoit mis son épée sur une planche, ne l'ayant pas trouvée et se doutant que c'étoit la sienne que ledit Brisemontier avoit prise, courut avec le nommé Desjardins du côté des Récollets, dans une ruelle près lesdits Récollets, et lorsqu'ils arrivèrent ils virent ledit Brisemontier qui avoit encore l'épée à la main et un autre particulier habillé de rouge que lui déposant ne connoît que de vue, lequel, autant qu'il le croît, avoit son épée dans le fourreau ; qu'il vit chanceler ledit Brisemontier qui tomba dans les bras de Desjardins et de lui déposant et dit, en s'adressant à l'habillé de rouge : « Tu es blessé et moi aussi ! » S'aperçut lui déposant que ledit Brisemontier perdoit beaucoup de sang et que l'habillé de rouge étoit aussi blessé à la tète ; que lui déposant et ledit Desjardins, après avoir mis un mouchoir sur la blessure dudit Brisemontier, conduisirent ledit Brisemontier chez le sieur Estève, chirurgien, faubourg Saint-Lazare. N'a pu au surplus savoir le sujet de la querelle ; que lui déposant, après avoir mis ledit Brisemontier chez le chirurgien, s'en retourna à son devoir chez l'Artificier Hollandois.
Du jeudi 11 août.
Jeanne-Catherine Barbier, âgée de 38 ans, femme de François-Philippe Ledaim, maître sculpteur, elle gagiste du jeu du Hollandois à la foire Saint-Laurent, demeurante rue de Beaujolois, paroisse Saint-Nicolas-des-Champs, dans la maison en face de la rue de Forez, chez un faiseur de bas, etc. Dépose que le jeudi 4 du présent mois dans l'après-midi, sur les quatre à cinq heures, elle déposante étant dans le jeu du Hollandois à la porte du théâtre, elle vit le nommé Brisemontier, danseur, lequel entra sur le théâtre en courant et alla prendre dans un coin sur une table l'épée du nommé Neufmaison, qui étoit dans la foire chaussé et tout prêt à jouer ; qu'elle déposante qui avoit entendu dire qu'il y avoit eu du bruit à la buvette au sujet de filles s'imaginant que ledit Brisemontier, qui ne porte jamais l'épée, étoit venu prendre l'épée dudit de Neufmaison pour aller se battre, voulut l'empêcher de sortir, ce qu'elle ne put faire, attendu qu'elle étoit seule ; que ledit de Neufmaison étant rentré dans le jeu un petit moment après, elle lui dit : « Courez donc vite, Brisemontier vient de prendre votre épée pour s'aller battre. » Que ledit de Neufmaison courut vite après et étant revenu une demi-heure après ou environ, il dit à elle déposante que ledit Brisemontier avoit été effectivement se battre et avoit reçu un coup d'épée.
Jacques-Alexis Desjardins, âgé de 24 ans, danseur du jeu du Hollandois à la foire Saint-Laurent et compagnon horloger, demeurant rue des Deux-Ponts, paroisse Saint-Louis, dans la maison du sieur Lagroue, épicier, etc. Dépose de faits déjà connus.
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