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Title
L'an 1719, le lundi 21 août
Source
Archives des Comm., no. 3369.
Date
21/08/1719
Identifier
Campardon, p. 8
Text Item Type Metadata
Text
L'an 1719, le lundi 21 août, du matin, est comparu en hôtel de nous Joseph Aubert, etc., sieur Charles Botot-Dangeville, comédien du Roi, tant pour lui que pour ses confrères, lequel nous a dit qu'au préjudice des ordonnances du Roi et arrêts du Parlement et du Conseil d'État les particuliers qui tiennent un jeu de danseurs de corde dans le petit préau de la foire Saint-Laurent jouent et font jouer après leurs exercices, par des particuliers se disant comédiens forains, la comédie, et quoiqu'il leur soit défendu de parler sur le théâtre en façon quelconque, ne laissent pas que de parler et de jouer la comédie, ce qui est de leur part une désobéissance auxdites ordonnances du Roi et arrêts du Conseil et du Parlement. Pourquoi nous requiert audit nom, attendu qu'ils ont intérêt d'empêcher la suite de cette comédie, de nous transporter cejourd'hui à ladite foire Saint-Laurent à l'effet de dresser procès-verbal des contraventions que lesdits acteurs commettent tous les jours.
Signé : BOTOT-DANGEVILLE.
Sur quoi nous commissaire, sommes sur les six heures du soir transporté dans le jeu de cordes qui est dans le petit préau de ladite foire Saint-Laurent, où après la danse de corde avons remarqué que l'on a levé une toile qui fermoit le théâtre sur lequel un particulier a fait un exercice. Ensuite plusieurs sauteurs ont pareillement fait leurs exercices, ce qui a formé une espèce d'ouverture, et de premier acte. Un arlequin et un autre faisant le rôle d'amant ont paru sur le théâtre. L'amant parlant audit arlequin, qui portait une valise, lui dit à haute et intelligible voix d'aller porter cette valise chez son père, lui a proposé de changer d'habits et de passer pour lui. L'arlequin sans parler a fait plusieurs lazzis ; ils ont changé d'habits l'un l'autre et enfin un troisième acteur a paru faisant le personnage de père, qui a aussi parle à haute et intelligible voix, auquel Arlequin, avec l'habit de son maître, lui a donné une lettre. Une actrice faisant l'amante a paru et l'amant, en parlant à haute voix, lui a dit de saluer sa maîtresse et de lui glisser son compliment, ce que Arlequin a fait en faisant plusieurs postures d'arlequin et de lazzis. Une seconde toile ayant été levée, a paru du fond du théâtre plusieurs hommes et femmes représentant une académie jouant aux cartes et aux dés. Un acteur vêtu en vieillard, faisant le personnage de père, a fait un monologue trouvant à redire de ce que sa femme tenoit une académie chez lui. Pendant cet entretien à haute voix lesdits joueurs ont pris querelle ensemble, se sont battus et un d'eux faisant le mort, l'arlequin et un pierrot faisant ensemble plusieurs lazzis ont dépouillé le prétendu mort et partagé par moitié ses vêtemens. La seconde toile s'étant baissée, Pierrot avec une représentation de curiosité, ayant un écriteau de carte au bout d'un bâton, a chanté avec la guitare plusieurs couplets de chansons sur l'agio. Arlequin voulant voir la curiosité, Pierrot indiquoit à Arlequin ce que la curiosité contenoit et sur ce qu'Arlequin disoit qu'il voyoit une grande rue, Pierrot lui a dit que c'étoit la rue Quinquenpoix. Arlequin feignoit de voir plusieurs personnes amassées dans cette rue tenant des papiers à la main. Pendant lequel tems Pierrot lui a emporté furtivement un panier de gibier qu'il devoit porter à l'avocat de son maître, ce qui a fait faire plusieurs lazzis et postures, et en sortant du théâtre, s'est mis à crier : La rue Quinquenpoix ! et dit que Pierrot lui avoit quinquenpoitisé son gibier ; ce qui a formé une espèce d'acte.
Ensuite celui qui représentoit le père de la maîtresse, avec sa fille, ont paru en faisant un monologue. Il disoit à sa fille qu'il vouloit la marier à un homme fort riche. Sur le moment Arlequin habillé en vieillard a paru et a demandé à haute et intelligible voix cette fille en mariage pour son fils. L'amant a paru et a dit à son père que l'on lui offroit quatre millions. Plusieurs acteurs se disant agioteurs, tenant des papiers à la main, s'adressent à Arlequin. Arlequin regardant lesdits papiers leur dit à l'un et à l'autre : « Un quart barbe faite, » et à d'autres : « Cela se couchera comme il s'est levé », et se sont retirés du théâtre, le père disant qu'il alloit envoyer chercher le notaire.
La toile s'étant levée, le théâtre a représenté une salle dont le prétendu père louoit la magnificence à haute et intelligible voix et a fait un monologue sur le bonheur et la richesse de sa fille. Enfin le théâtre ayant changé et représenté un jardin orné de pots de fleurs et de statues, Arlequin en jardinier, le prétendu père et le prétendu amant ont fait un monologue sur la magnificence du jardin. Arlequin parlant seul dit que d'un coup de bêche et après avoir semé de la graine sur la terre, le fruit croissoit comme des champignons, et figurant de bêcher la terre et de semer, un homme avec des ailes est sorti des planches du théâtre et a disparu avec vitesse. L'acteur représentant le père a demandé à Arlequin pourquoi il disparoissoit si vite, Arlequin lui a répondu : C'est parce qu'il court après la fortune. » Un autre homme étant pareillement sorti du plancher dudit théâtre, paroissant triste et se retirant lentement, ledit père demande à Arlequin pourquoi celui-là alloit si lentement. Arlequin lui a répondu : C'est qu'il avoit fait sa fortune. » Ledit prétendu père lui ayant encore demandé pourquoi lesdites statues étoient mouvantes, Arlequin lui a répondu qu'avant que d'être en statues elles étoient si dures qu'elles se sont pétrifiées. Arlequin les ayant fait mouvoir, on a mis le feu à des fusées d'amorce qu'elles tenoient ainsi qu'à un soleil qui étoit au milieu de la décoration du fond du théâtre ; ce qui mit fin à ladite représentation qui forme une comédie (1), à la vérité sans suite quoique les acteurs aient parlé. Dont et de tout ce que dessus nous avons fait et dressé le présent procès-verbal.
Signé : AUBERT.
Signé : BOTOT-DANGEVILLE.
Sur quoi nous commissaire, sommes sur les six heures du soir transporté dans le jeu de cordes qui est dans le petit préau de ladite foire Saint-Laurent, où après la danse de corde avons remarqué que l'on a levé une toile qui fermoit le théâtre sur lequel un particulier a fait un exercice. Ensuite plusieurs sauteurs ont pareillement fait leurs exercices, ce qui a formé une espèce d'ouverture, et de premier acte. Un arlequin et un autre faisant le rôle d'amant ont paru sur le théâtre. L'amant parlant audit arlequin, qui portait une valise, lui dit à haute et intelligible voix d'aller porter cette valise chez son père, lui a proposé de changer d'habits et de passer pour lui. L'arlequin sans parler a fait plusieurs lazzis ; ils ont changé d'habits l'un l'autre et enfin un troisième acteur a paru faisant le personnage de père, qui a aussi parle à haute et intelligible voix, auquel Arlequin, avec l'habit de son maître, lui a donné une lettre. Une actrice faisant l'amante a paru et l'amant, en parlant à haute voix, lui a dit de saluer sa maîtresse et de lui glisser son compliment, ce que Arlequin a fait en faisant plusieurs postures d'arlequin et de lazzis. Une seconde toile ayant été levée, a paru du fond du théâtre plusieurs hommes et femmes représentant une académie jouant aux cartes et aux dés. Un acteur vêtu en vieillard, faisant le personnage de père, a fait un monologue trouvant à redire de ce que sa femme tenoit une académie chez lui. Pendant cet entretien à haute voix lesdits joueurs ont pris querelle ensemble, se sont battus et un d'eux faisant le mort, l'arlequin et un pierrot faisant ensemble plusieurs lazzis ont dépouillé le prétendu mort et partagé par moitié ses vêtemens. La seconde toile s'étant baissée, Pierrot avec une représentation de curiosité, ayant un écriteau de carte au bout d'un bâton, a chanté avec la guitare plusieurs couplets de chansons sur l'agio. Arlequin voulant voir la curiosité, Pierrot indiquoit à Arlequin ce que la curiosité contenoit et sur ce qu'Arlequin disoit qu'il voyoit une grande rue, Pierrot lui a dit que c'étoit la rue Quinquenpoix. Arlequin feignoit de voir plusieurs personnes amassées dans cette rue tenant des papiers à la main. Pendant lequel tems Pierrot lui a emporté furtivement un panier de gibier qu'il devoit porter à l'avocat de son maître, ce qui a fait faire plusieurs lazzis et postures, et en sortant du théâtre, s'est mis à crier : La rue Quinquenpoix ! et dit que Pierrot lui avoit quinquenpoitisé son gibier ; ce qui a formé une espèce d'acte.
Ensuite celui qui représentoit le père de la maîtresse, avec sa fille, ont paru en faisant un monologue. Il disoit à sa fille qu'il vouloit la marier à un homme fort riche. Sur le moment Arlequin habillé en vieillard a paru et a demandé à haute et intelligible voix cette fille en mariage pour son fils. L'amant a paru et a dit à son père que l'on lui offroit quatre millions. Plusieurs acteurs se disant agioteurs, tenant des papiers à la main, s'adressent à Arlequin. Arlequin regardant lesdits papiers leur dit à l'un et à l'autre : « Un quart barbe faite, » et à d'autres : « Cela se couchera comme il s'est levé », et se sont retirés du théâtre, le père disant qu'il alloit envoyer chercher le notaire.
La toile s'étant levée, le théâtre a représenté une salle dont le prétendu père louoit la magnificence à haute et intelligible voix et a fait un monologue sur le bonheur et la richesse de sa fille. Enfin le théâtre ayant changé et représenté un jardin orné de pots de fleurs et de statues, Arlequin en jardinier, le prétendu père et le prétendu amant ont fait un monologue sur la magnificence du jardin. Arlequin parlant seul dit que d'un coup de bêche et après avoir semé de la graine sur la terre, le fruit croissoit comme des champignons, et figurant de bêcher la terre et de semer, un homme avec des ailes est sorti des planches du théâtre et a disparu avec vitesse. L'acteur représentant le père a demandé à Arlequin pourquoi il disparoissoit si vite, Arlequin lui a répondu : C'est parce qu'il court après la fortune. » Un autre homme étant pareillement sorti du plancher dudit théâtre, paroissant triste et se retirant lentement, ledit père demande à Arlequin pourquoi celui-là alloit si lentement. Arlequin lui a répondu : C'est qu'il avoit fait sa fortune. » Ledit prétendu père lui ayant encore demandé pourquoi lesdites statues étoient mouvantes, Arlequin lui a répondu qu'avant que d'être en statues elles étoient si dures qu'elles se sont pétrifiées. Arlequin les ayant fait mouvoir, on a mis le feu à des fusées d'amorce qu'elles tenoient ainsi qu'à un soleil qui étoit au milieu de la décoration du fond du théâtre ; ce qui mit fin à ladite représentation qui forme une comédie (1), à la vérité sans suite quoique les acteurs aient parlé. Dont et de tout ce que dessus nous avons fait et dressé le présent procès-verbal.
Signé : AUBERT.
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This Item | Description | Item: Charles Alard et Pierre Alard |